G.P. de Bellis, à propos de l’Anarchie

 

Gian Piero de Bellis: A Propos de l’Anarchie, 2012, in www.panarchy.org

 

Note

Ces notes sur l’anarchie ont été préparées à l’occasion du 140° anniversaire du Congrès de l’Internationale Anti-autoritaire qui fut tenu dans la petite ville de Saint-Imier par les anarchistes expulsés de l’Internationale au Congrès de La Haye (1872).

Pour les délibérations de ce Congrès voir: Le Congrès de l’Internationale Anti-autoritaire (Saint Imier, 15-16 Septembre 1872)

Pour fêter cette anniversaire un rencontre des anarchistes a été organisé à Saint-Imier du 8 au 12 Août 2012.

Anarchie & Autorité

(2012)

Il y a deux mythes qui constituent une diffamation de l’anarchie et des anarchistes :

  • l’anarchie c’est le désordre
  • les anarchistes n’acceptent aucune autorité

En effet, ceux qui veulent dominer les autres ne peuvent concevoir aucun type d’ordre basé sur l’auto-organisation comme l’envisagent les anarchistes.

 

« Même le théoricien de l’anarchie, qui exprime une philosophie basée sur l’idée que le contrôle par l’état ou par le gouvernement constitue une méchanceté absolue, croit qu’avec l’abolition de l’état politique d’autres formes de contrôle social vont devenir opératives ;  son opposition aux régulations gouvernementales dérive de sa conviction que d’autres modes de contrôle, plus convenables, vont devenir effectifs une fois l’état disparu. » 
John Dewey, Experience and Education, 1938

 

Le fait est que « anarchie » signifie absence de domination et réalisation d’un ordre spontané. « Anarchie » ne signifie ni absence de règles ni absence d’ordre. C’est ce qu’un pouvoir comme l’état veut faire croire, mais cela est faux et absurde.
En réalité les anarchistes ont écrit en faveur de l’organisation, mais une organisation non imposée et qui dérive librement et spontanément des individus et des expériences de vie.

 

« L’organisation n’est que la pratique de la coopération et de la solidarité ; elle est une condition naturelle, nécessaire de la vie sociale ; un fait inéluctable qui s’impose à tous, soit dans la société humaine en général, soit dans quelconque association de gens qui ont un but commun à atteindre. »
Errico Malatesta, Anarchie et organisation, 1927

 

« … l’organisation libre, formée et gardée par la libre volonté des associés sans aucune trace d’un pouvoir dominant, c’est-à-dire sans que quiconque ne s’attribue le droit d’imposer sa volonté aux autres. »
Errico Malatesta, Anarchie et organisation, 1927

 

Plus récemment, Colin Ward a défini l’anarchie comme une théorie de l’organisation et a énoncé quatre principes qui sont derrière les formes anarchistes d’organisation :

« (1) volontaire (2) fonctionnel (3) temporaire (4) petit.
Les formes anarchistes devraient être volontaires pour des raisons évidentes. Il n’y a aucune raison de se battre pour la liberté individuelle et la responsabilité si, en même temps, nous voulons des organisations à participation obligatoire.
Elles devraient être aussi fonctionnelles et temporaires précisément parce que la permanence à temps indéfini est un de ces aspects qui endurcissent les artères d’une organisation, lui donnant un intérêt caché dans sa propre survie, en garantissant les intérêts des professionnels employés plutôt qu’en performant ses fonctions au service des usagers.
Elles devraient être petites précisément parce que dans des groupes où les individus ont des rapports directs, les tendances hiérarchiques propres aux organisations ont moins d’opportunités à se développer. » 

Colin Ward, Anarchism as a Theory of Organization, 1966

 

Se référant à l’autorité, Michael Bakounine a déclaré très clairement que les anarchistes n’y sont pas du tout opposés, à condition qu’elle ne soit pas imposée mais acceptée librement.

« … il n’y a pas d’autorité fixe et constante, mais un échange continu d’autorité et de subordination réciproques, temporaires et, surtout, volontaires. »
Michael Bakounine, Dieu et l’état, 1882

 

Bakounine était surtout opposé aux règles imposées par les soi-disant savants qui voulaient diriger, comme les hommes d’état, la vie de tout le monde.

« Imaginez-vous une académie de savants, composée des représentants les plus illustres de la science : imaginez cette académie chargée de légiférer pour organiser la société et que, inspirée seulement par le plus pur amour de la vérité, elle ne produise rien d’autre que des lois en harmonie absolue avec les plus récentes découvertes de la science. Et pourtant, je suis convaincu que ces lois et cette organisation seraient une monstruosité … » 
Michael Bakounine, Dieu et l’état, 1882

 

 

Anarchie & l’Etat

(2012)

L’aspiration et le but central des anarchistes sont la fin de tout pouvoir dominant et de toute institution contraignante. L’état territorial national moderne représente l’institution la plus dominante et la plus contraignante et à cause de ça, il faut la mettre à côté et la laisser derrière nous, si nous voulons que les individus libres et les communautés volontaires puissent se développer et s’épanouir.

 

 

Dans le passé, l’idée de l’abolition de l’état pour tous était le motif conducteur qui liait tous les anarchistes. Cette position a été mieux développée et précisée avec des mots plus précis par certains anarchistes comme Gustav Landauer.
Dans un de ses écrits il a affirmé que l’état n’est pas quelque chose que l’on puisse casser pour le détruire.

« L’état est une relation sociale, une certaine façon des êtres humains de se rapporter l’un à l’autre. L’État peut être détruit en donnant vie à de nouvelles relations sociales, par des êtres humains qui se rapportent entre eux d’une façon différente. » 
Gustav Landauer Schwache Staatmänner, schwächeres Volk!, 1910

 

Cela est un point très important qui clarifie que l’idée primitive de changer la société avec la violence et les bombes n’a rien à voir avec l’anarchie. Se défendre contre l’agression est une chose acceptable et légitime ; l’utilisation de la violence pour se défaire de l’état est quelque chose d’insensé parce que pareilles actions ne construisent pas de nouvelles relations sociales (libres et volontaires) et donc n’amènent pas à l’anarchie.

 

 

A propos de l’état, un autre anarchiste, Max Nettlau, a examiné la question suivante : « que faire des réactionnaires qui ne veulent pas s’adapter à la liberté » et il a répondu à cette question dans une façon très originale :

« Ils pourraient garder leur état à leur gré; cela ne nous concerne plus, ne nous touche pas plus que les idées drôles d’une secte religieuse, à laquelle personne ne s’intéresse. Ainsi il s’avèrerait que tôt ou tard la liberté trouvera son chemin. »
Panarchie. Une idée oubliée de 1860, 1909

 

Cette idée de sociétés-communautés parallèles, certaines avec et d’autres sans l’état, avait été développée précédemment par le botaniste Paul Emile de Puydt. Il s’agit d’une proposition de méthodologie sociale, c’est-à-dire que cela représente une réponse à la question suivante : quelle est la meilleure méthode d’organisation sociale pour répondre à l’exigence universelle de choix volontaires libres ? Et à cette question, de Puydt donne une réponse qui est la plus anarchiste possible : laisser chacun décider à quelle organisation sociale il/elle veut s’associer (choix volontaire) et s’abstenir d’imposer à quelqu’un ses propres choix (principe de non-agression).

 

L’idée de communautés volontaires et d’états volontaires est vraiment anarchiste parce que les anarchistes sont contre l’état territorial monopoliste qui s’impose à tous, mais ils ne sont pas (ou ils ne devraient pas être) contre l’état librement choisi et accepté par certains individus comme une entité qui règle et organise la vie de la communauté dont ils sont membres volontaires.
Cet aspect devrait être souligné très clairement. L’aspect distinctif de l’anarchie est le volontarisme (les choix volontaires de chacun) et pas la fin de l’état imposée à tous.

 

Ce qu’on doit éliminer est la souveraineté de l’état territorial monopolistique parce que là est le problème. Un état volontaire ne devrait pas constituer un problème pour les anarchistes de la même manière que l’appartenance volontaire à une église.

 

Anarchie & Libéralisme

(2012)

Promesses

Le libéralisme représente le premier courant d’idées contre le pouvoir centralisé des institutions. Il affirme les droits de la personne. Le rôle de l’état est réduit à la fonction d’assurer la liberté et la sécurité de l’individu.
Il représente la naissance de la société civile et le rejet de toute présence étouffante de la souveraineté politique.

« Power tends to corrupt and absolute power corrupts absolutely. »
« Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt de manière absolue. »
Lord Acton, Letter to Mandell Creighton, 1887

 

Faussetés

Beaucoup de gens qui se prétendent libéraux paraissent embrasser plutôt que rejeter le système politique, économique et monétaire actuel basé sur l’intervention de l’état dans tous les secteurs de la vie sociale.
Quant aux anarchistes, beaucoup d’entre eux qui sont contre le libéralisme, ne font aucune distinction entre le libéralisme classique et le libéralisme actuel. En effet, comme certain libéraux actuels, ils sont attirés par l’état providence et ses politiques de redistribution des revenus.

 

« I have never known much good done by those who affected to trade for the public good. »
« Je n’ai jamais vu beaucoup de bien provenant de ceux qui sont chargés d’opérer pour le bien commun. »
Adam Smith, The Wealth of Nations, 1776

 

En ce cas, il faut souligner le fait que les anarchistes sont pour l’équité (fin des privilèges) et pas pour l’égalité imposée. Dans une situation d’équité, il est fort probable que l’égalité va s’affirmer (promue aussi par toutes les formes d’entraide). Au contraire, dans une situation d’égalité forcée, un nouveau pouvoir paternaliste va probablement surgir, qui garantira de nouveaux privilèges à ses supporters.

 

Perspective

L’anarchie est la continuation et l’actualisation ultérieures et plus profondes des aspirations libérales. Les anarchistes ne sont pas contre le libéralisme mais ils veulent ou souhaitent aller au-delà du libéralisme, c’est-à-dire être plus libéral que les libéraux classiques ne l’ont jamais été.

 

 

« Les théoriciens de la politique ont l’habitude de classifier l’anarchisme comme une idéologie de l’extrême gauche. En réalité, elle combine idées et valeurs provenant du libéralisme et du socialisme et peut être considéré comme une synthèse créative de ces deux courants de pensée. »
« Comme les libéraux, les anarchistes mettent l’accent sur la liberté de choix. Ils poursuivent la liberté dans la science, la pensée, l’expression et l’association. »
« Les anarchistes comme les libéraux sont contre la centralisation bureaucratique et la concentration de l’autorité politique. »
La pensée anarchiste est craintive du triomphe de la médiocrité et de la tyrannie de la majorité. Elle demande le pluralisme social et la diversité culturelle. Elle retient l’idéal de Alexis de Tocqueville sur la liberté et la communauté et la célébration faite par John Stuart Mill de l’individualité. »
Peter Marshall, Demanding the Impossible. A History of Anarchism, 2008

Anarchie & Politique

(2012)

La vraie différence entre les socialistes et les anarchistes ne réside pas dans la volonté de disparition de l’état monopoliste (tous les deux sont d’accord) mais dans la manière de réaliser ce but :

– à travers la lutte politique et la conquête de l’état pour le supprimer après ou
– à travers la construction de réalités (sociales, économiques, culturelles, etc.) qui vont rendre l’état obsolète, insignifiant et, finalement, inexistant.

 

 

Les anarchistes sont contre l’idée que l’objectif de la lutte pour la liberté soit “la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière”.
Au contraire, pour eux le but est l’émancipation intégrale de la classe ouvrière et de tous les exploités à travers la réalisation d’une société différente avec des relations différentes entre les individus.

“Emancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes”, en dehors de toute autorité directrice, cette autorité fût-elle élue et consentie par les travailleurs.
(Circulaire de Sonvilier, 1871)

Actuellement la politique est devenue, pour beaucoup de gens, la nouvelle drogue qui remplaçe la religion. A travers la politique et ses discours, les individus sont amenés à croire que leur liberté et leur émancipation dépendent ou d’un changement de l’élite politique ou du fait que les travailleurs deviennent, au moins, pour une brève période (avant la dissolution de l’état), la nouvelle élite politique.
L’expérience historique de la Révolution Russe (et des toutes les élections politiques) devrait avoir mis fin depuis longtemps à cette illusion (et déception).

 

 

A l’intérieur du mouvement anarchiste, le risque est que certaines anarchistes, en rejetant l’activité et les échanges économiques libres des individus, en les qualifiant d’exploitation économique, perpétuent l’illusion-déception que la politique et les décisions politiques sont la voie pour organiser et gérer la société. Cela est évident, par exemple, dans l’opposition au libre commerce et à la libre production.

Ainsi, certains anarchistes, en soulignant la primauté de la politique par rapport aux autres activités (économiques, culturelles, etc.), peuvent devenir les nouveaux piliers de l’étatisme. En effet, dans le passé, le fascisme italien, avec sa rhétorique populiste, attira un certain nombre d’anarchistes ou pseudo-anarchistes.

L’abandon et le refus de la politique est alors la condition nécessaire et indispensable pour réaliser une transformation vraiment révolutionnaire, avec l’abolition de tout pouvoir dominant monopolistique et son remplacement par des communautés volontaires et par les libres choix des individus.

 

Anarchie & Démocratie

(2012)

Définitions de la Démocratie

Étymologie : La démocratie, c’est le pouvoir du peuple (c’est-à-dire, tout un chacun faisant partie du peuple a le pouvoir).
Dans la fameuse formulation de Abraham Lincoln:
« La Démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » (Discours de Gettysburg, 1863)

Et pourtant, la démocratie actuelle, comme elle existe dans les systèmes politiques d’aujourd’hui, se caractérise par :

  • la délégation du pouvoir (l’individu ne contrôle plus sa vie)
  • la représentation des intérêts (les intérêts des plus forts dominent)
  • l’imposition de certaines volontés (tout le monde est assujetti aux décisions de la majorité)

 

 

Si nous examinons de plus près la réalité courante, nous pourrions même affirmer que les démocraties d’aujourd’hui représentent la volonté d’une minorité, déléguée par une majorité relative qui a pour but la protection des intérêts des couches parasitaires (par exemple, la bureaucratie), des catégories professionnelles nationales (les soi-disant professions libérales), des agents de la finance et des grandes entreprises.

Rien à voir, ni avec la volonté du peuple, ni surtout avec celle de chaque individu.

 

 

Critique de la Démocratie

« Nous ne reconnaissons pas le droit de la majorité d’imposer la loi sur la minorité, même si la volonté de la majorité dans certains problèmes compliqués, peut être vérifiée. Le fait d’avoir l’appui de la majorité n’est, en aucun cas, la preuve que l’on est dans la justesse. En effet, l’humanité a avancé toujours à travers l’initiative et les efforts des individus et minorités, tandis que la majorité est, par sa propre nature, lente et conservative, prête à se soumettre à la force supérieure et aux privilèges établis. »
Errico Malatesta, Majorités et minorités, 1920

 

 

La critique la plus radicale de la démocratie du point de vue de l’anarchie provient de celui qui, le premier, a utilisé le mot « Anarchie » , Pierre-Joseph Proudhon:

“Telle est, notamment, la prétention de la DÉMOCRATIE, qui se présente comme la forme de gouvernement qui traduit le mieux la souveraineté du Peuple. Or, si je prouve que la démocratie n’est, ainsi que la monarchie, qu’une symbolique de la souveraineté; qu’elle ne répond à aucune des questions que soulève cette idée; qu’elle ne peut, par exemple, ni établir l’authenticité des actes qu’elle attribue au Peuple, ni dire quel est le but et la fin de la société; si je prouve que la démocratie, loin d’être le plus parfait des gouvernements, est la négation de la souveraineté du Peuple, et le principe de sa ruine, il sera démontré, en fait et en droit, que la démocratie n’est rien de plus qu’un arbitraire constitutionnel succédant à un autre arbitraire constitutionnel.”
Pierre-Joseph Proudhon, La Démocratie, 1848

 

Reprise de la Démocratie

Si en reprenant le mot démocratie nous en soulignons avec détermination le pouvoir des peuples, c’est-à-dire de chaque individu, de prendre des décisions autonomes concernant sa vie et de choisir de quelle communauté (si jamais) il ou elle veut appartenir, alors, nous pouvons lui donner encore une raison d’exister.

 

« Avec le mot démocratie, bien sûr, je ne fais pas référence au « gouvernement représentatif » dans aucune forme, mais plutôt aux rapports directs des individus. »
« Ce dont je parle est une tradition évolutive de structures institutionnelles, pas un modèle social. » La démocratie, dans sa définition générique, est donc la gestion de la société dans des assemblées où les gens se retrouvent face à face – dans lesquelles le mode d’action est formulé par les citoyens résidents, et l’administration est exécutée par des conseils avec des mandats et des directives très précises. »

« Je voudrais proposer que la dimension démocratique et pratique de la finalité libertaire soit exprimée comme « Communalisme », un mot qui, à la différence de ceux qui autrefois ont marqué, sans ambiguïté, la volonté de la transformation sociale, n’ait pas été encore terni par le mauvais usage. »
Murray Bookchin, Communalism

 

 

Anarchie & Libre Initiative

(2012)

Un des principaux thèmes et objectifs de l’anarchie est l’autonomie des individus.
Par rapport au sujet du travail cela signifie être libre, capable et désireux d’implanter des activités productives indépendantes sous forme, par exemple, d’ateliers coopératifs ou sur une base individuelle. 

Cela peut être réalisé si chacun devient un entrepreneur ou s’il est potentiellement libre de le devenir

 

Parler d’un monde où tous sont entrepreneurs peut apparaître comme une proposition très étrange dans des sociétés dans lesquelles, travailler aux ordres de quelqu’un (travail dépendant) est presque la règle.
Et pourtant, dans un passé pas loin de nous, le nombre de paysans, artisans et commerçants indépendants était considérable.

C’est seulement avec l’arrivée des grandes entreprises et de la société de masse que le travail dépendant s’est diffusé partout.
Une explication possible est que, à ce moment là, la grande entreprise semblait offrir la façon la plus efficiente de produire pour une masse de consommateurs.

A présent, la réduction dans les dimensions et les prix des instruments de production et le besoin de flexibilité et de créativité, sont tous des facteurs favorables à l’introduction de petites unités de production et de gestion personnelle indépendante, sans chute de la productivité.

Suite à cela, l’âge de l’entrepreneurship diffusé est peut-être arrivé.
Le besoin qui se fait sentir est un changement radical qui nous éloigne d’une mentalité bureaucratique et des aspirations limitées d’agir comme des robots protégés, sous les ordres d’un maître directeur.
La diffusion et acceptation du travail dépendant a été favorisée, autrefois, par l’actualisation de toutes sortes de protections sociales des travailleurs dépendants sous la tutelle de l’état.

La promotion de l’entrepreneurship devrait alors être accompagnée par l’introduction des formes d’assurances sociales, gérées (volontairement et en commun) par les producteurs indépendants, qui entrent en fonction quand des calamités frappent ou en présence de difficultés imprévues.

 

 

Kropotkin sur les petites entreprises

« Toutes les fois que l’intervention directe du bon goût et de la créativité est nécessaire ; toutes les fois que de nouveaux modèles de produits, qui demandent une rénovation des machines et des instruments de travail, sont introduits pour répondre à la demande des consommateurs ; toutes les fois qu’on a à faire avec une grande variété de produits et avec l’invention de nouveaux produits, comme dans le cas de la manufacture d’instruments de travail, de montres, de vélos, etc. ; et finalement, toutes les fois que la sensibilité artistique du producteur représente une bonne partie du travail … alors, dans tous ces cas il y a un grand champ ouvert aux petits commerces, atelier ruraux, industries domestiques et d’autres entreprises similaires.
Piotr Kropotkin, Champs, Usines et Laboratoires Demain, 1899

 

Entrepreneurs et Anarchie

« Un entrepreneur sera capable de reconnaître que le système ne fonctionne pas et cherchera de nouvelles voies pour le réparer, en ajoutant pourtant de la valeur au système. Un entrepreneur fera confiance à cette masse d’individus et réalisera quelque chose pour les autres au lieu de s’opposer aux autres. Un entrepreneur montrera le chemin à ceux qui, de manière erronée, sont prêts à suivre ou mourir, et il les défiera et les battra avec des innovations et de meilleures solutions. »
« Il n’y a pas de plus grande anarchie, de plus grande liberté, de plus grande rébellion que celle achevée par l’entrepreneur. »
Entrepreneurial Anarchy: Liberation by Doing – 2011

Anarchie & Echanges

(2012)

Le libre échange

Les étatistes ont toujours essayé de contrôler le commerce à fin de :

  • assigner des privilèges à des personnes sélectionnées pour gagner leur support (concession du monopole dans la vente d’un certain produit)
  • obtenir des entrées fiscales en taxant les produits venant de l’étranger.

A cause de cela, le libre-échange plaidé par les libéraux au 18ème siècle allait contre les pratiques néfastes et négatives pour la communauté de l’ancien régime.
Comme héritiers de la pensée libérale la plus avancée, les socialistes (Marx) et les anarchistes (Kropotkin) sont tous les deux favorables au libre-échange.

 

 

La position des anarchistes sur les échanges

Piotr Kropotkin a été en faveur du commerce mondial et de l’industrialisation partout.

« La tendance présente du développement économique dans le monde est … d’engager toujours davantage chaque nation, ou plutôt chaque région, prise dans son sens géographique, de compter surtout sur une production locale de tout ce qui est fondamental pour la vie. Cela ne veut pas dire qu’il faut réduire les échanges à l’échelle mondiale : ces échanges pourraient même croître en quantité ; ce qui est nécessaire est de les limiter à ce qui doit vraiment être échangé, et, en même temps, développer immensément les échanges des nouveautés, des produits de l’art local ou national, des nouvelles découvertes et inventions, des connaissances et des idées. » (Champs, Usines et Laboratoires Demain, 1899)

 

Libre échange ou commerce équitable ?

L’opposition entre libre échange et commerce équitable est une opposition fausse. Elle a émergé récemment à travers les écrits et les actions du mouvement antiglobalisation (dans lequel certains anarchistes on joué un rôle assez grand).

Mais le concept du commerce équitable n’est pas tout-à-fait nouveau et ses origines n’offrent aucune raison de soulagement pour les gens qui habitent dans les pays que les antiglobalisateurs veulent soutenir. En l’an 1881, des politiciens et des hommes d’affaires ont formé, en Angleterre, la « Ligue pour le commerce équitable » qui voulait l’introduction de tarifs pour protéger les industries anglaises de la concurrence provenant des pays industriels émergeant, comme l’Allemagne et les États-Unis. Un des membres les plus bruyants de la Ligue était Joseph Chamberlain, le champion des politiques nationalistes et impérialistes mises en oeuvre par l’État Anglais à la fin du dix-neuvième siècle. Il était favorable à un système de tarifs protecteurs et préférentiels pour protéger l’empire contre les produits en provenance d’autres pays, une politique en opposition totale à celle de la porte ouverte, pratiqué précédemment.

Il semble alors très pertinent d’ affirmer que :
Le commerce équitable est le slogan employé par les propriétaires et les actionnaires des grandes entreprises pour protéger leur intérêts .
Le libre commerce est l’instrument pratique qui défend les intérêts des gens qui habitent dans les régions émergentes et qui sont maintenant tenus en-dehors des échanges mondiaux (par exemple, par la Forteresse-Europe, pour citer un responsable).

Quand les anarchistes s’opposent au libre échange, ils sont en train de favoriser les intérêts politiques des plus forts secteurs de la société, c’est-à-dire les secteurs protégés par l’état.

 

 

Capitalisme d’état comme protectionnisme

Tout au cours de leur histoire, les États-Unis, considérés par beaucoup de gens comme le pays capitaliste par excellence, ont été et sont encore un des états les plus protectionnistes de l’histoire.
Le gouvernement des États-Unis l’a été à partir de la fin de la guerre civile (1865) et après (1890) avec l’introduction de la loi tarifaire McKinley qui était hautement protectionniste. Si nous faisons référence à l’histoire des États-Unis, la décennie qui a vu l’effondrement de Wall Street (1929), commença avec les tarifs protectionnistes Fordney (1922) et se termina avec une nouvelle augmentation des barrières au libre-échange avec la loi tarifaire Hawley-Smoot (1930)

 

Société libre = échanges libres

L’historien Fernand Braudel a identifié la société avec les échanges. Alors, une société libre demande des échanges libres dans tous les aspects de la vie (matérielle, culturelle).
La liberté de décider ce que l’on veut échanger et avec qui, fait que le libre-échange équivaut vraiment à l’échange équitable et convenable.

« Toutes les sociétés modernes industrielles s’appuient sur les marchés pour échanger idées, produits et services. Le libre marché, avec son échange volontaire d’idées, produits et services est le seul qui est compatible avec le modèle anarchiste d’une société basée sur la coopération volontaire et sur la libre association des individus et des groupes. Le libre marché est souvent associé avec le capitalisme de marché, mais en réalité le libre marché n’est lié à aucun système économique déterminé. Le libre marché concerne, en effet, l’échange volontaire de produits, par tous les moyens que l’individu accepte. Pour ceux qui ne sont pas convaincus de la capacité du libre marché à réaliser l’anarchisme, il faut rappeler que l’autre choix consiste en des échanges non volontaires ou en l’échange forcé d’idées, produits et services, qui est la méthode de l’état. » (http://www.strike-the-root.com/4/weebies/weebies4.html)

 

Anarchie & Propriété

(2012)

L’étymologie du mot « propriété »

Propriété = ce qui est propre (particulier, spécifique) à quelqu’un ou à quelque chose. Un trait ou une qualité qui appartient à une personne ou une chose.

En référence à la relation entre des gens et des objets, le terme propriété est venu signifier « une chose qui est, ou peut être, a ou en possession de quelqu’un. » (Dictionnaire Webster’s)

 

La propriété matérielle-économique (dans l’histoire)

Il y a trois façons d’obtenir la propriété de quelque chose : 

  • par le travail (activité personnelle ou de groupes)
  • par l’échange (en échangeant une chose avec une autre)
  • par la force (en utilisant la violence ou la loi).

L’acquisition récurrente de la propriété par la force ou par la loi, comme dans le cas de l’expropriation des terres communes avant la Révolution Industrielle, a poussé des anarchistes à qualifier la « Propriété comme Vol ». Le meilleure exposant de cette position a été Pierre-Joseph Proudhon dans son texte Qu’est-ce que la propriété ? (1840).

 

 

Même en critiquant et condamnant la propriété comme expropriation (vol) Proudhon a déclaré ouvertement qu’il n’était pas en faveur de la propriété commune gérée par l’état. En effet, pour différencier sa position (et celle des anarchistes) de celle des socialistes étatistes, Proudhon a écrit un texte, publié après sa mort, dans lequel il a affirmé que la « Propriété est la Liberté ». (Théorie de la Propriété, 1862)
Selon Proudhon seulement la propriété personnelle, dérivant de l’activité directe des individus et des communautés, peut représenter un rempart contre l’état en train de devenir une institution dominante qui contrôle tout et possède tout.

 

Propriété et anarchie

Sur la base des idées de Proudhon les anarchistes devraient être : 

  • contre la propriété obtenue à travers l’expropriation violente ;
  • en faveur de la propriété gagnée à travers l’activité personnelle.

 

La propriété personnelle est ce qui a été gagné par un individu à travers des efforts d’ordre matériel et intellectuel afin de produire quelque chose qui devient en suite sa propriété légitime.

La propriété personnelle peut être :

  • propriété individuelle
  • propriété de groupe

sur la base des décisions prises par les individus concernés. 

 

La différence entre propriété, possession, soin

Considérant que l’effort personnel (travail) ne s’applique pas à tout ce qui existe en nature (monts, fleuves, forêts, etc.) il en résulte que, tout ne peut pas être approprié par quelqu’un. Il faudrait alors différencier entre :

  • Propriété. Droit d’utiliser et même d’abuser d’une chose en en ayant la disponibilité totale ;
  • Administration. Droit partiel d’utiliser une chose sans en abuser, avec un contrôle réduit quant à son accès qui reste ouvert à presque tout le monde.
  • Maintien. Droit d’utilisation et d’accès ouvert à chacun qui doit respecter et entretenir la chose utilisée.

Du point de vue des droits on pourrait imaginer, par rapport à l’environnement naturel :

  • des droits personnels (pleine disponibilité)
  • des droits communautaires (utilisation et entretien)
  • des droits universels (respect et soin).

La même chose pourrait se passer par rapport à l’environnement bâti :

  • la maison de l’individu et de sa famille : pleine disponibilité
  • les espaces communs : utilisation et entretien
  • l’héritage culturel mondial : respect et soin.

 

Considérations

Nous sommes dès lors très loin de la position qui rejet l’idée même de propriété.

Le fait est que les exposants les plus remarquables de l’anarchie, quand ils écrivaient en faveur de l’égalité signifiaient par cela la fin des privilèges et des inégalités fabriqués par l’état, et non le fait que tout le monde ait le même quota exact de propriété, sans aucun rapport avec les efforts déployés par chacun.

 

La Varieté de l’Anarchie

(2012)

Passé

A l’origine, il y avait seulement l’idée et l’aspiration à l’anarchie. C’est seulement ensuite que l’accentuation portée sur l’individu (choix personnel) ou sur la communauté (organisation sociale) a abouti à une différenciation entre les positions des anarchistes.

Une des premières différenciations a été entre les anarcho-communistes (comme Bakounine) qui étaient en faveur d’une distribution des produits par rapport au travail effectué par chacun, et les anarcho-collectivistes (comme Kropotkin) qui voulait une distribution liée aux besoins de la personne.

Pour aller au-delà de cette opposition, vers la fin du 19ème siècle, certain anarchistes on soutenu la thèse de « L’Anarchisme sans qualificatifs. »

Cette expression, « Anarchisme sans qualificatifs » fut introduite, pour la première fois, par Fernando Tarrida del Marmol en 1889 à Barcelone, comme une façon d’aller au-delà de la division entre anarcho-communistes et anarcho-collectivistes et pour promouvoir une attitude plus ouverte et inclusive.

 

 

Le développement

Plus récemment, la reprise de l’anarcho-individualisme et la crise du communisme (communisme d’état) ont attiré l’attention de plusieurs personnes sur l’existence d’un courant connu comme l’anarcho-capitalisme (en faveur de la propriété individuelle et des échanges libres).
Ce courant est actif surtout aux États-Unis et la plupart des idées avancées dérivent de penseurs et activistes comme Lysander Spooner et Benjamin Tucker.

L’inventeur de l’expression « anarcho-capitalisme » a été l’économiste Murray Rothbard qui voulait, par là, souligner la primauté de l’individu et l’importance du principe de non-agression envers chaque individu, principe à faire valoir contre quiconque qui voudrait agir comme un maître (publique ou privé)

Les anarcho-capitalistes ne sont pas considérés comme des anarchistes par les anarcho-communistes qui sont en faveur de la socialisation de toute propriété.

 

 

Considérations

Un anarchiste qui veut réaliser le message de base de l’anarchie (libre choix, communautés volontaires) ne devrait pas du tout être intéressé à cette fracture entre anarcho-capitalistes et anarcho-communistes ou à d’autres fractures (par exemple, entre les anarchistes individualistes et les anarchistes communautaires). Cela veut dire que personne ne devrait participer à des querelles ou à des actions qui les opposent.

Cette position d’acceptation a été soulignée plusieurs fois par des penseurs et activistes anarchistes. Par exemple :

Voltairine de CleyreAnarchism (1901)

« Il y a pourtant différentes écoles économiques entre les Anarchistes ; il y a les Anarchistes Individualistes, les Anarchistes Mutualistes, les Anarchistes Communistes et les Anarchistes Socialistes. Dans le passé, ces différentes écoles se sont déchirées violemment entre elles et ont refusé d’accepter les autres comme faisant partie de l’Anarchie. Les esprits les plus étroits dans chaque camp continuent de le faire ; bien sûr, ils ne considèrent pas cela comme expression d’esprit étroit mais simplement comme un attachement fort et solide à la vérité, qui ne permet aucune faiblesse de tolérance envers l’erreur. Cette l’attitude a été de tous temps celle de tous les bigots. Chacun de ces adhérents fanatiques du collectivisme ou de l’individualisme ne croît pas que l’Anarchisme est possible sans ce système comme garantie, et se sent convaincu de son point de vue. »
« … cette vielle étroitesse d’esprit commence à céder le pas à une idée plus ouverte, plus gentille, et bien plus raisonnable, c’est-à-dire l’idée que toutes les positions économiques peuvent être expérimentées et qu’il n’y a rien de non-anarchiste entre chacune d’elles jusqu’au moment où la force intervient et contraint quelqu’un, contre sa volonté, à rester dans une communauté dont il ne partage pas les règles économiques. »
« C’est pour cela que j’affirme que chaque groupe de personnes qui agissent socialement d’une façon libre peuvent choisir n’importe quel système proposé et être de vrais Anarchistes. »

 

Max NettlauQuelques idées fausses sur l’Anarchisme (1905)

« …il faut considérer comme le produit d’une lamentable et fausse conception de la nature même du progrès social cette compétition pour l’établissement universel d’un système économique spécial. Les choses suivront à l’avenir la ligne de la moindre résistance, comme il en a été dans le passé; mais qui saurait signaler la ligne que suivront les multiples nécessités humaines afin d’obtenir une satisfaction adéquate?
L’espace suffit largement à l’activité des communistes et des individualistes: tel est l’anarchisme. »

 

Karl HessAnarchism without Hypens (1980)

« Il y a seulement un type d’anarchiste. Pas deux. Seulement un. Un Anarchiste, le seul type, comme défini par la longue tradition et littérature sur le sujet, est un individu qui s’oppose au pouvoir autoritaire exercé à travers la hiérarchie de l’état. La seule clarification qui me semble raisonnable est de dire qu’un anarchiste est celui qui est contre toute autorité imposée.
Un anarchiste est un volontariste »

 

 

Futur

A l’avenir, les anarchistes devraient se libérer de cette fausse opposition et concentrer leur attention sur de vraies contradictions comme celles de parler en faveur de l’anarchie et après de demander à l’état d’introduire des mesures de protections de certains intérêts. L’anarchie est un procédé de développement de l’autonomie et de l’autogestion qui est réalisé par chaque individu et non pas quelque chose qui est donné comme une faveur par le pouvoir.

Anarchie & le Futur

(2012)

Les piliers théoriques

  • Recomposition entre activités manuelles et activités intellectuelles
    (l’être humain polyvalent)
  • Recomposition entre ville et campagne
    (décentralisation du pouvoir et diffusion partout des infrastructures et des services)
  • Recomposition entre l’individu et la communauté
    (harmonie entre choix personnelles et décisions communautaires).

 

 

Les propositions pratiques

  • Les sociétés parallèles
  • Les moyens d’échange alternatifs
  • Les communautés expérimentales
  • Les réseaux de communication
  • La mise en commun de la créativité
  • …..

 

 

“Je pense que les idées sociales de l’anarchisme : les groupes autonomes, l’ordre spontané, l’auto-administration des travailleurs, le principe fédératif, forment une théorie cohérente qui est une alternative valide et réaliste à la philosophie autoritaire, hiérarchique et institutionnelle que nous voyons appliquées partout autour de nous.”
Colin Ward, Anarchism as a Theory of Organization, 1966

 

“Pour moi, le principe le plus important de l’anarchisme n’est pas la liberté mais l’autonomie, la possibilité de faire démarrer un projet et de le gérer à sa manière. Sans ordres de la part des autorités qui ne connaissent pas le problème actuel et les moyens disponibles. Une direction de l’extérieure peut quelquefois être inévitable, comme dans une émergence, mais cela est au prix de la vitalité : le comportement est plus élégant, fort et judicieux sans l’intervention de l’état, des gardiens, des maîtres des corporations, des planificateurs centraux et des recteurs d’université. »
Paul Goodman, Little Prayers and Finite Experience, 1972