Théobalt, Capitalisme: oppression et domination ?

De plus en plus de gens voient en le capitalisme un système économique oppresseur. Évidemment, nombreux sont ceux qui conteste cette affirmation, opposant à cette idée celle que ce système est plutôt une source de liberté. Par contre, il est plus largement admis que le capitalisme entraîne la domination de l’homme par l’homme, comme en fait foi cette blague cynique bien connue :

– Sais-tu c’est quoi la différence entre le capitalisme et le communisme?

– Non.

– Le capitalisme, c’est la domination de l’homme par l’homme.

– Et le communisme?

– C’est le contraire!

(Éclats de rire)

Capitalisme et oppression

Errico Malatesta écrivit un jour :  » On opprime les hommes de deux façons : ou directement, par la force brutale, par la violence physique; ou indirectement, en leur soustrayant leurs moyens de subsistance et en les réduisant ainsi à l’impuissance. « 

En quoi ceci s’applique-t-il au capitalisme? Le capitalisme, par définition, est basé sur la propriété privée des moyens de production et de distribution. En conséquent, on observe que les travailleurs ne possèdent pas ces outils. Ils doivent plutôt leur survie au propriétaire de ces installations qui veut bien acheter leur force de travail. Je ne crois pas que personne puisse réfuter cette évidence. La plupart des gens sont employés, et ne possèdent pas les outils avec lesquels ils travaillent ni le fruit de leur labeur d’ailleurs. Si je travaille pour une imprimerie, je ne possède ni les presses, ni les livres imprimés. Si je travaille pour GM, je ne possède ni l’usine, ni l’automobile que je fabrique. Les travailleurs subsistent avec l’argent de leur salaire. En quoi donc le capitalisme est-il oppressif? En soustrayant aux gens leurs moyens de subsistance! Alors, les gens sont à la merci de leurs employeurs. Sans salaire, pas de revenus, donc rien pour manger, se loger, etc. Les travailleurs sont alors impuissants face au Capital, à moins de se regrouper en syndicats et de recevoir l’aide de l’État.

Les acquis sociaux de nos sociétés  » avancées  » proviennent ainsi des luttes contre cette oppression. C’est aux syndicalistes et autres révolutionnaires que nous devons nos écoles publiques, notre système de santé, les prestations d’assurance chômage et de bien-être social. Même le suffrage universel, à la base de nos démocraties, provient de ces luttes. Par contre, quoique que ces avancées limitent les dommages, elles ne touchent pas le cœur du problème : la soustraction des moyens de subsistance des travailleurs par le propriétaire du capital.

Capitalisme et domination

Voyons voir comment le capitalisme mène à la domination de l’homme par l’homme. Pour simplifier quelque peu l’analyse, imaginons-nous vivre dans ce fantasme néolibéral d’une société où l’État n’intervient pas dans l’économie. Pas de subvention, pas de programmes sociaux. Que le libre marché.

Donc, pour vivre, nous avons besoin d’une job. Puisque l’État ne l’aidera pas, suivons un chômeur allant cogner à la porte de quelque employeur potentiel. L’individu se rend vite compte qui a le gros bout du bâton lorsque vient le temps de négocier un salaire. Simplement en ce qui concerne la loi de l’offre et la demande, ça commence mal pour notre pauvre chômeur : il y a plus de gens que d’emplois disponibles. Il est évident que dans une société capitaliste, le chômage est une constante. D’ailleurs, une valeur minimale est nécessaire pour une économie stable, soit le NAIRU (non-accelerating inflation rate of unemployment). En effet, si le taux de chômage est trop bas, cela relance l’inflation. En conséquent, il y aura toujours plus de travailleurs que d’emplois, sinon c’est la crise. Donc, à moins que l’État n’impose de salaire minimum, le salaire des travailleurs subira une pression à la baisse. Mais, nous venons justement de dire que l’État n’intervient pas, donc pas de salaire minimum! Au risque de paraître paranoïaque, les défenseurs d’une économie libre de toute entrave voudrait donc baisser les salaires, du moins pour les pays industrialisés, afin évidemment de maximiser les profits? L’OMC ne se cache même pas pour le dire, par exemple dans un rapport sur l’environnement :  » Des exigences de nationalité pour le personnel empêchent les firmes de minimiser les coûts du travail en ayant recours au recrutement international.  » [1] Il est évident que l’importation de main d’oeuvre à bon marché créera une baisse des salaires dans les pays industrialisés et c’est manifestement l’objectif visé. Plutôt que d’engager un technicien canadien à 20$/h, pourquoi ne pas  » importer  » un technicien mexicain ayant une compétence équivalente et le payer 7$/h? Si le canadien veut la job, il devra ce contenter du 7$/h offert… C’est donc une économie de 13$/h pour l’employeur futé.

Notre pauvre travailleur a réussi à se trouver un emploi. Il était temps, le garde-manger commencer à se désertifier! Une autre caractéristique du capitalisme est qu’argent égale pouvoir. Évidemment, plus on a d’argent, plus on a de poids dans l’économie et sur la politique, et donc plus on a un pouvoir décisionnel. Ce n’est pas un secret pour personne, à voir nos politiciens s’agenouiller devant les grands investisseurs! Mais notre pauvre travailleur, avec son maigre salaire, quel pouvoir a-t-il? Il a à peine assez pour vivre le moindrement décemment! S’il perd son emploi, c’est le retour immédiat dans la misère, en supposant qu’il gagne assez pour en être sorti. Évidemment, vu que les lois du travail (des entraves au libre marché!) sont quasi inexistantes, il doit marcher les fesses serrées pour ne pas perdre son emploi, car sa richesse personnelle ne lui permet pas la liberté de tenir tête à son employeur. Nous sommes donc en face d’une ploutocratie, où les riches gouvernent l’économie et la scène politique, une hégémonie de la classe possédante sur la classe non possédante. Le travailleur est dominé par son employeur.

Domination de l’homme par l’homme.

La Liberté dans tout ça?

La conclusion est qu’il n’y a pas de liberté s’il y a dépendance. Je ne parle pas d’une saine interdépendance entre des individus coopérant d’égale à égale pour améliorer leur sort. Je parle évidemment d’une dépendance unilatérale. Le travailleur a besoin de l’employeur pour vivre. Si l’employeur est assez riche, il n’a pas besoin du travailleur pour subsister. Il peut simplement placer son argent pour en retirer des intérêts et des dividendes. Il gagne ainsi son pain sans même travailler! L’employeur a besoin de l’employé pour s’enrichir, mais pas nécessairement pour vivre. Il n’y a donc pas une interdépendance saine, puisqu’il n’y a pas de relation d’égale à égale.

C’est là qu’interviennent les programmes sociaux : ils augmentent la marge de liberté des gens en offrant une alternative. Si une personne ne trouve pas d’emploi décent, cela ne signifie plus la famine. En cela, l’État forme ainsi un contrepoids face au pouvoir du Capital. Par contre, c’est là tout le problème de la social-démocratie : elle doit trouver un équilibre entre ces deux géants. Si l’un des deux cèdent, tout s’écroule…sur le peuple.

[1] WTO, Environmental Services (http://www.wto.org/wto/services/w65.htm)